Mikio Yahara fut formé à la dure école de la JKA par la première génération d’instructeurs. Pendant dix ans, de 1974 à 84, il livra des combats dantesques qui firent de lui l’un des combattants les plus redoutés de la planète Karaté. Toute sa vie, il lutta contre les Yakuza, qui apprirent à le craindre et le respecter. Tireur d’élite, expert en lancer de couteau, Mikio Yahara, 8e dan Shotokan, est une légende des Arts Martiaux au Japon.
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L’évocation du nom de Yahara Mikio donne généralement des frissons. De joie quand on le côtoie en tant qu’élèves, de craintes et de douleurs si l’on n’est pas du bon coté de la barrière.
Sa vie est jalonnée d’exploits devenues légendes. Entré à la fameuse Japan Karaté Association à 18 ans, il en deviendra l’un des combattans les plus respectés. Nakayama Masatoshi, qui fut l’un de ses Senseï, disait que c’était « le meilleur combattant de sa génération ». Forcément un doux euphémisme dans la bouche du co-fondateur de la JKA.
Egalement formé par Kanazawa Hirokazu et Yano Kenji, surnommé le « destructeur » , Yahara fit sa réputation sur son Ichigeki, le « coup mortel », objectif ultime de sa recherche de Budoka, qui fit beaucoup de dégâts.
DÉMÉNAGER POU ÉVITER D’ÊTRE TUÉ
En 2006, à 59 ans, lors de son examen pour le 8e dan, il cassa encore trois côtes à son adversaire sur une seule frappe ! Trois fois rien à côté du jour où, dans le cadre de son travail (Ndlr : il dirige une société de protection), il domina 34 Yakuza venu le démotiver de protéger les VIP japonais (une photo est visible sur http://www.japantoday.com/ mais il faut s’abonner). Sa lutte contre les Yakuza a évidemment contribué à forger sa légende. Pendant de nombreuses années, il dut constamment déménager pour éviter d’être tué. Mais les Yakuza finirent par s’apercevoir qu’il n’avait pas peur de mourir…
Guère favorable au versant sportif du karaté, Yahara Mikio, 62 ans depuis avril, est aujourd’hui à la tête de la Karatenomichi World Federation qu’il à créée en l’an 2000 (42 pays affiliés). Une école à son image qui dispense l’enseignement des premières années de la JKA. Car, pour Yahara senseï, descendant de Samouraï par sa mère et d’officiers de la marine militaire par son père, Karaté rime avec Budo. Et le Budo, c’est « être capable de se défendre et défendre les siens en cas de nécessité ».
Konichiwa Senseï. Nous avaons entendu dire que, les médecins vous avaient dit que vous ne vivriez pas au-delà de vos 20 ans. Est- ce vrai ?
Oui. Petit, je courais beaucoup et, un jour, j’ai eu un malaise cardiaque qui m’a paralysé. Mon médecin m’a dit que, même si je parvenais à guérir, je devais mourir avant mes 20 ans et, de toute façon, je ne pouvais plus faire d’activités physiques.
En fait, j’ai décidé de me muscler et de fortifier mon corps. Je pratiquais déjà le karaté avec mes frères depuis l’âge de 10 ans mais, à mon lycée, il n’y avait pas de club alors je me suis mis au Judo. Je n’y ai pas trouvé mon compte physiquement et je me suis inscrit dans un club de karaté. Le hasard a fait qu’il était affilié à la JKA.
« DES INSTRUCTEURS TRANSPORTÉ À L’HOPITAL… »
Ce fut le début d’une longue histoire…
Effectivement ! En fait, un Senseï venait régulièrement de Tokyo et et il me facinait à un point que je n’ai eu qu’une envie : aller m’entraîner au Hombu Dojo de la JKA. Mais, pour devenir instructeur, il fallait poursuivre ses études. Même si je n’aimais pas trop ça, je m’y suis résigné et je suis allé à l’Université Kokushikan à Tokyo.
Quels souvenirs gardez-vous des entrainements de cette époque ?
C’était très dur ! Les entrainements étaient poussés à l’extrême et les combats étaient physiques. Il était courant que des instructeurs soient transportés à l’hôpital. Mais, étrangement, j’y trouvais un réel plaisir car j’étais dans l’endroit de mes rêves ; J’avais pu intégrer le milieu que je souhaitais rejoindre. Je ressentais une joie profonde à cette idée. Je n’ai jamais pensé abandonner.
Vous êtes même devenu l’un des combattants les plus craint de la JKA. Racontez-nous quelques épisodes qui ont fait votre réputation.
Il y en a beaucoup… Un jour, je combattais avec mon sempaï (ancien), Yano Senseï. Je l’ai touché une fois et, en réponse à cette audace, j’ai reçu une contre-attaque dix fois plus forte. Je suis tombé, le nez en sang. Normalement, cela signifie que j’avais été soumis. Au lieu de cela, j’ai essayé de riposter mais un puissant Maegeri au visage m’a mis K.O. j’ai été transporté à l’hôpital. Le lendemain, se déroulait le championnat Kurobi Kaï (ceintures noires). J’avais promis d’y participer alors je me suis esquivé de l’hôpital et je me suis présenté avec mes pansements au visage et mon nez cassé. Tout le monde était surpris. J’ai gagné en Kumite comme en Kata !
L’examen pour votre 3e dan est aussi entré dans la légende…
Ce jour-là, en kumite, je devais dominer un instructeur et deux 3e dan… Deux sont partis à l’hôpital. A cette époque, je m’entrainais du matin au soir. Je combattais tous les jours avec une centaine d’adversaires, tout spécialement les plus arrogants. Cela se terminait souvent ma pour eux (il rit).
Une fois devenu instructeur, en écoutant des stagiaires, j’ai compris qu’ils avaient tous peur que je les étrille. J’ai hérité du ciel une détente et une vitesse qui se rapprochaient plus de celles d’un fauve que d’un être humain. J’étais très souple naturellement et j’ai travaillé de nombreux Henka Waza (enchainements). Je faisais visiblement peur par la subtilité et la force de mes techniques.
Beaucoup de rumeurs circulent sur votre relation avec les Yakuza. Pouvez-vous nous éclairer sur ce sujet ?
Mon activité professionnelle consiste à assurer la sécurité de personnes importantes. Ce qui implique que je sois en contact, malgré moi, avec les yakuza. Pour régler une affaire ou un dossier délicat, il arrive parfois que nos rapports deviennent conflictuels. Je dois alors réagir très vivement et très durement.
Ils sont souvent extrêmement surpris de ma réaction. Je ne leur fais aucun cadeau. Au fil du temps, certains sont devenus mes admirateurs, au point qu’ils m’invitent ou me font des cadeaux. Mais je refuse toujours catégoriquement. Vous l’aurez compris, mes rapports avec les Yakuza sont strictement d’ordre professionnel.
« NOUS ÉTIONS PRÊTS À MOURIR »
Revenons au karaté. Pourquoi avoir créé la Karatenomichi World Federation (KWF) ? Qu’est-ce qui la différencie de la JKA ?
Actuellement, ce qu’on appelle karaté est un sport parmi tant d’autres et j’ai des difficultés à accepter cela, de par mon passé Budoka. Ce Karaté sportif n’a aucun caractère de Budo.
Pour moi, le Karaté est un art martial qui peut faire couler du sang. Qu’est-ce que le Karaté à l’origine ? C’est fortifier sont corps pour que celui-ci devienne une arme ; c’est protéger son maître, sa famille et soi-même contre des agressions. En d’autres termes, dans le karaté, on doit être capable de maîtriser un adversaire d’un seul coup, à l’instar des techniques de sabre ancestrales. Dans le Karaté sportif actuel, il s’agit de marquer des points. Cela n’a plus aucun rapport avec la tradition ancestrale où le Karaté est un art martial de défense.
Les Katas, qui recèlent toutes les techniques de défense, ne servent donc plus à rien. La JKA se trouve en fait entre la KWF et le karaté sportif. A la KWF, nous cherchons l’ambiance et la philosophie du début de la JKA où nous avions une mentalité de samouraï. Nous étions prêts à mourir.
«LE CORPS MÉMORISE MIEUX QUE L’ESPRIT »
C’est pour cette raison que la recherche ultime de vos entraînements est le « Ichigeki Hissatsu » (le coup mortel) ?
Dans les siècles passés, si l’on ne réussissait pas à anéantir un adversaire du premier coup, on était mort. C’est dans cette logique que l’on travaille. Comment arriver à ce niveau est la vraie question. Quelle technique utiliser, quel angle, à quel vitesse ? Bref, comment le corps doit-il être utilisé et bouger ? C’est le « Kihon Waza » de la KWF. Ce que nous appelons rotation des hanches signifie que la hanche est ouverte au maximum, jusqu’à l’extrême, comme un ressort tendu au point maximal et qui tend à revenir à sa position initiale, le principe est identique pour les muscles dorsaux.
Vous insistez beaucoup sur la répétition des techniques de base dans vos cours. Pourquoi ?
N’importe qui, n’importe où, peut faire un mouvement avec ses bras et ses jambes. Mais pour être efficace et parvenir à « l’Ichigeki », il est indispensable d’additionner vitesse, contraction des muscles et compression des articulations jusqu’à l’explosion du mouvement. Nous ne pouvons y parvenir qu’au travers du Kumite et au kata ainsi qu’à la répétition des techniques.
De plus, le corps mémorise mieux que l’esprit. Pour effectuer un mouvement, le cerveau donne l’ordre au corps qui, ensuite, exécute. Le cerveau peut oublier le mouvement si celui-ci n’est pas travaillé pendant un certain temps.
Par contre, si le corps a bien mémorisé la technique à travers des milliers, voire des dizaines de milliers de répétitions, il réagira instinctivement au temps opportun.
C'était une interview de senseï Mikio Yahara pour le magazine Karaté Bushido N°33 d'octobre 2009.
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Mettez votre karategi pour les budokas !
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