LE PRESSOIR ET LA BÊTE
Il était une fois une fille, si gentille et si avenante que le dimanche la maison était remplie d’amoureux. Un de ses galants prétendants vint la demander en mariage à sa mère.
— Je veux bien, répondit-elle, mais il faut que tu te soumettes à une épreuve. Toutes les nuits une bête qui dévore les gens vient dans notre grange : si tu peux lui échapper, je te donnerai ma fille.
— J’essaierai, dit le garçon.
La nuit venue, la bonne femme l’enferma dans la grange, après lui avoir laissé plusieurs chandelles de résine, afin qu’il pût voir ce qui se passerait.
À minuit, une bête d’une grandeur épouvantable et horrible à regarder, sortit de dessous le pressoir et s’avança vers lui : comme il était courageux, il ne recula pas.
— Tu es brave, dit la bête : veux-tu jouer avec moi à perçoirine perçoirette ?
— Quel jeu est-ce ?
— Il faut se coucher sur le pressoir, et se laisser serrer par les vis qui servent à presser les mottes de cidre. Quand tu auras subi cette épreuve, je m’y soumettrai à mon tour.
— Bien, dit le garçon, mais tu cesseras de serrer quand je crierai : assez !
Il se coucha sur le tablier, et la bête se mit à faire tourner les vis : dès que le garçon sentit qu’elles le touchaient, il cria d’arrêter, et la bête desserra aussitôt.
— À ton tour maintenant, lui dit-il.
La bête se coucha, et le garçon se mit à manœuvrer les vis ; mais la bête eut beau crier, il ne cessa de la serrer que quand elle fut écrasée.
Quand la bonne femme vint à la grange le lendemain, elle fut bien surprise de la grosseur de la bête qui, bien que morte, faisait encore peur. Le garçon épousa la fille ; il y eut de belles noces, et moi qui y étais, on me mit à m’en aller le soir, et c’est tout ce que j’en eus.
(Conté par Aimé Pierre, de Liffré, en 1876.)
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