Le royaume de Glaad
Les landes du royaume de Glaad, au cœur du monde d'Heldion, étaient un endroit où le temps semblait s’étirer indéfiniment. Les collines, tapissées d'une herbe argentée, étaient bercées par le souffle du vent et par les murmures d’anciennes légendes qui flottaient dans l’air, telles des mélodies oubliées. Ces terres, où la brume s’accrochait aux pierres comme un voile de mystère, étaient marquées par les symboles celtiques, gravés dans les dolmens et les pierres dressées, vestiges d'une époque où les druides dominaient encore les bois sacrés.
C’est dans cette région d'Heldion, au pied des majestueuses montagnes d'Argentine, que se trouvait le village de Kêrerell. Niché au creux d’une vallée luxuriante, le village semblait être figé dans une éternité paisible. Les chaumières aux toits de chaume étaient entourées de jardins soigneusement entretenus, où poussaient des herbes médicinales et des fleurs aux couleurs vives, contrastant avec le gris monotone des pierres.
Le Tisserand
Brionnach, un jeune homme du village, se tenait souvent à l’écart des autres. Il avait des yeux d’un vert profond, comme les forêts qui entouraient son foyer, et ses cheveux bruns ondulaient au gré du vent, encadrant un visage marqué par la douceur et la réflexion. Contrairement aux autres jeunes hommes de son âge, il n’avait jamais pris goût aux armes et aux jeux de force. Il préférait la quiétude de son atelier, où il passait ses journées à tisser des histoires anciennes dans des étoffes de laine et de lin, créant des motifs inspirés des récits qu’il lisait dans les vieux grimoires.
La quête
Un soir, alors que la lune pleine baignait la vallée d’une lumière argentée, Brionnach était assis dans son atelier, feuilletant un livre ancien que lui avait légué son grand-père. Les pages, jaunies par le temps, étaient remplies de runes celtiques, entrelacées de motifs représentant des animaux mythiques et des arbres sacrés. Il connaissait chaque page par cœur, mais ce soir-là, une inscription, qu’il n’avait jamais remarquée auparavant, semblait briller doucement, attirant son attention. Intrigué, il lut les mots qui s'y trouvaient.
"Lorsque les ombres dévoreront la lumière, et que les cœurs des hommes seront emplis de peur, un être au cœur pur se lèvera. Il tissera un lien entre le passé et l'avenir, et réveillera l'Ancien, qui sommeille au cœur des montagnes d'Argentine. Son souffle régénérera la terre et bannira l'obscurité."
Le cœur de Brionnach se serra. Depuis quelque temps, il avait senti une ombre grandir sur la région. Les récoltes étaient moins abondantes, les animaux des bois étaient devenus craintifs, et les anciens disaient que les esprits des collines étaient agités, comme s’ils pressentaient un grand malheur. Cette prophétie, révélée dans le grimoire, semblait être une réponse à ses inquiétudes. Mais lui, un simple tisserand, comment pourrait-il être cet être au cœur pur dont parlaient les runes? Pourtant, une force intérieure, inexplicable, le poussait à croire qu'il avait un rôle à jouer.
Le lendemain, sans un mot, le jeune homme quitta son village. Il n’emporta avec lui que quelques effets personnels : une cape de laine, un penn-barz (bâton local), une bourse contenant des aiguilles et des fils, et le grimoire de son grand-père. Son chemin le mena d'abord à travers la Forêt d'Ébène, un lieu réputé pour être le domaine des esprits. Les arbres, aux troncs noueux et aux racines tordues, formaient un labyrinthe naturel où la lumière peinait à pénétrer. Mais Brionnach n’était pas effrayé. Il sentait une présence bienveillante qui le guidait, un murmure doux qui l'encourageait à avancer.
C’est dans cette forêt qu'il rencontra Macha, la druide aux yeux d'ambre. Macha était une femme d'une beauté envoûtante, avec une chevelure rousse qui tombait en cascade sur ses épaules, semblable aux feuilles d’automne qui tapissaient le sol de la forêt. Elle portait une robe verte, ornée de symboles celtiques brodés à la main, et une cape en peau de loup. À son approche, les arbres semblaient s'incliner légèrement, reconnaissant en elle leur protectrice. La druidesse possédait le don rare de parler aux esprits de la nature, de lire les signes dans le vol des oiseaux et de converser avec les rivières qui chantaient leur course vers la mer.
« Je t’attendais, Brionnach, » dit-elle d'une voix douce mais assurée, comme si elle avait toujours su qu'il viendrait. « Les esprits m'ont parlé de toi. Tu portes en toi une sagesse ancienne, que peu d’hommes possèdent encore. »
Étonné mais réconforté par ses paroles, le jeune homme expliqua la prophétie et la mission qu'il avait l'intention de mener à bien. Macha l'écouta attentivement, puis lui offrit son aide. « Les montagnes d'Argentine ne sont pas un endroit où l'on peut aller seul. La route est longue et semée d’embûches. Je t'accompagnerai, et nous chercherons d'autres compagnons en chemin. »
Le duo poursuivit son voyage vers le nord, traversant des plaines embrumées et des rivières chantantes, jusqu'à ce qu’ils atteignent un village de bardes. C’est là qu’ils firent la connaissance d’Aeron, un homme à la voix enchanteresse, capable de captiver les cœurs les plus endurcis avec ses chansons. Aeron était d'une stature élancée, avec des cheveux noirs comme l'ébène et des yeux bleu glacier qui brillaient d'une intelligence vive. Son luth, orné de runes dorées, était son bien le plus précieux, car il était dit qu'il avait été façonné à partir du bois d'un chêne sacré.
Aeron, séduit par la noblesse de la quête du tisserand, décida de les rejoindre. « Les mots et la musique ont un pouvoir que beaucoup sous-estiment, » dit-il en souriant. « Si je peux apaiser ne serait-ce qu'un cœur sur notre route, alors je serai heureux de voyager à vos côtés. »
Enfin, le groupe fit halte dans un village de forgerons, où ils rencontrèrent Breaca, une femme aussi robuste que la pierre, avec des bras musclés par des années de travail au marteau et à l'enclume. L'artisane n'était pas une simple forgeronne ; elle avait hérité de la connaissance des métaux sacrés et savait comment façonner des armes enchantées, mais elle ne les fabriquait jamais pour la guerre, seulement pour la défense des innocents.
Elle les accueillit dans sa forge, une bâtisse où le feu ne s’éteignait jamais, et écouta leur histoire avec attention. « Je ne suis pas de celles qui suivent les prophéties à la lettre, » dit-elle en croisant les bras, « mais si cette quête peut sauver notre terre et notre peuple, alors je suis des vôtres. »
Ainsi, le groupe était formé. Ensemble, ils traversèrent les derniers obstacles avant d'atteindre les montagnes d'Argentine. Là, les pics déchiquetés se dressaient contre le ciel, et les nuages semblaient s'accrocher aux sommets, dissimulant le chemin qui menait à la grotte de Cerridwen. Brionnach ressentait une inquiétude croissante, mais il se souvenait de la prophétie : il devait tisser un lien entre le passé et l'avenir, et seule une tapisserie pourrait réveiller le dragon.
Pendant que Macha communiquait avec les esprits des montagnes, Aeron jouait de son luth pour apaiser les vents hurlants et Breaca montait la garde à l'entrée de la grotte, Brionnach se mit au travail. Il sortit ses fils et son aiguille, et commença à tisser. Chaque fil représentait une part de leur quête : le vert des forêts, le bleu des rivières, le gris des montagnes et le rouge de la flamme éternelle qui brûlait dans le cœur de Breaca.
Les heures devinrent des jours, et les jours devinrent des semaines, mais l'artisan ne faiblit pas. Sous ses doigts habiles, la tapisserie prenait vie. Les motifs celtiques, entrelacés avec des scènes de leur voyage, racontaient l’histoire de leur quête, mais aussi l’histoire du royaume de Glaad tout entier, de ses esprits et de ses anciennes croyances.
Le Dragon
Enfin, la tapisserie fut achevée. Brionnach la tendit devant l’entrée de la grotte, et les runes gravées dans la pierre s’illuminèrent. Le sol trembla, et un rugissement résonna dans la montagne, comme un tonnerre lointain. Cerridwen, le dragon ancien, s’éveillait.
La créature était immense, ses écailles scintillaient comme de l’argent sous la lumière des torches. Ses yeux, deux lacs profonds d’un
bleu incandescent, fixèrent le jeune de Kêrerell et ses compagnons. Un silence pesant s’abattit sur eux. Cerridwen, malgré sa puissance écrasante, n'inspirait pas la terreur mais une révérence profonde, comme si elle incarnait les forces mêmes de la nature.
« Qui ose me réveiller de mon long sommeil ? » gronda le dragon, sa voix résonnant comme un écho venu du fond des âges.
Notre héros s’avança, tenant la tapisserie devant lui. « Je suis Brionnach, un humble tisserand, et voici mes compagnons. Nous ne sommes pas des guerriers, mais nous portons en nous l'amour de cette terre. Nous venons solliciter ton aide pour sauver Heldion des ténèbres qui la menacent. »
Le dragon baissa la tête pour examiner la tapisserie. Les motifs, les couleurs et les symboles qui la composaient semblaient prendre vie sous son regard. Une lueur de compréhension traversa les yeux du dragon.
« Tu as tissé l’histoire de ce monde, » dit-elle enfin. « Par ton œuvre, tu as honoré les esprits de la nature, les hommes et les anciens. En cela, tu as prouvé que la véritable force réside non pas dans les muscles, mais dans la sagesse, l’art et la foi en ce qui est juste. »
Le dragon ouvrit alors ses puissantes ailes, et de son souffle brûlant, elle balaya les ombres qui s’accumulaient sur les montagnes. Les ténèbres qui avaient pris racine dans le cœur des hommes furent dissipées, et la lumière d’Heldion brilla à nouveau, plus éclatante que jamais. La terre elle-même sembla se réveiller, les arbres se redressèrent, les rivières coulèrent plus abondamment, et les récoltes redevinrent prospères.
Cerridwen, satisfaite, retourna dans sa grotte, mais non sans un dernier mot pour Brionnach et ses compagnons. « Tant que votre cœur restera pur et que vous préserverez ce lien sacré avec la terre, Heldion prospérera. N'oubliez jamais que même dans les temps les plus sombres, l'espoir et la créativité peuvent éclairer le chemin. »
Les compagnons retournèrent dans leur vallée, où ils furent accueillis en héros. Mais jamais Brionnach ne chercha la gloire. Il reprit sa place dans son atelier, où il continua à tisser, mais cette fois, ses créations racontaient non seulement des légendes anciennes, mais aussi l’histoire de leur propre quête, celle d’un jeune tisserand qui avait sauvé son monde non par la force, mais par l'amour et la sagesse.
Ainsi, la légende de Brionnach et de ses compagnons se propagea à travers Heldion, , dans tout le royaume de Glaad, gravée dans la mémoire des clans celtiques. Les cercles de pierres, les dolmens et les symboles gravés dans la roche témoignaient de cette épopée, et les bardes, tels Aeron, chantaient cette histoire dans les villages, rappelant à tous que la véritable force réside dans le cœur, l’esprit, et l’unité avec la nature.
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